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 Pour lui

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Emilie
Rang: Administrateur
Emilie


Féminin Nombre de messages : 801
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Date d'inscription : 05/08/2005

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MessageSujet: Pour lui   Pour lui EmptyJeu 25 Sep - 22:23


1967.
Quand on n’a connu que les murs gris d’une cour parisienne, que les rues grises encombrées et bruyantes, la banlieue où nous avons emmenagé il y a quatre ans fait figure de paradis. Il y a du soleil, il y a des jardins partout, les trottoirs paraissent immenses.
Jamais je n’aurai pu imaginer auparavant qu’on habiterait dans une grande maison à nous avec un jardin ressemblant à une forêt.
J’ai 10 ans et je suis en CM2.
Malgré ses murs sévères, mon école primaire me plaît. On entend les oiseaux chanter et parfois à travers la fenêtre je les vois s’envoler et je rêve. Je rêve de voler comme eux. Je me demande ce qu’ils voient de là-haut.
Bien sûr, je ne suis pas toujours à l’aise dans la cour car il n’y a que des filles. Je ne me sens pas comme elles. Elles font des manières, elles pleurent pour rien, elles sont mesquines, elles ont toujours peur de se salir, ne savent pas jouer au foot et… elles ne savent pas grimper aux arbres.
Oui j’ai pourtant deux sœurs, une grande de 12 ans et une petite de 4 ans mais elles ne comprennent jamais ce que je leur raconte ni ce que je fais.
Tandis qu’avec frères de 9 et 8 ans et leurs copains, nous formons une bande et nous nous amusons bien.
J’aime partir des longues heures en solitaire avec mon vélo, mon seul fidèle compagnon. J’aime sentir le vent sur mon visage et quelque soit le temps, j’ai besoin de prendre l’air. J’ai l’impression d’en avoir été privé trop longtemps et il faut que je récupère ce qui m’a manqué.

Mes petits frères vont à l’école à deux patés de maison de là.
Alors, tous les matins, notre papa nous emmène dans son estafette bleue et nous dépose devant l’école des garçons.

Un matin, devant l’école, je croise un garçon dont le regard m'hypnotise.
Mon cœur se met à battre à toute vitesse comme si j’avais courru, je suis affolée.
Que m’arrive-t-il ? Je me sens bizarre et bien en même temps.
Le lendemain matin, je suis la première levée, je ne pense qu’au regard brun profond de ce garçon.
Je passe des longues minutes à me coiffer et dans le miroir, je ne me vois pas, je ne vois que ses yeux.
Pourquoi est-ce que je pense sans arrêt à lui ?
Je n’en parle à personne parce que je suis comme ça. Cela ne regarde personne. C’est ma vie. Cela n’appartient qu’à moi. Oui c’est ce que je pense du haut de mes 10 ans.

Je le cherche devant l’école. Il est là. Je veux revivre les mêmes émotions que la veille alors j'attends.
Avant de continuer son chemin jusqu’à l’école des garçons, il dépose la petite soeur devant l’école des filles.
Il attend qu’elle soit entrée dans l’école pour partir. La tendresse qu’il a à son égard m’émeut.
Le moment magique se renouvelle ainsi tous les matins.
A chaque fois qu’on se croise, il me regarde intensément et moi de même.
Moi la timide, j’arrive à soutenir son regard, il m’hypnotise, je me sens tout chose. Moi, le vilain petit canard, je me sens belle, je me sens reine. Comme ça fait du bien. Je n’avais jamais ressenti ça. J’en veux encore et encore.

Un jour, je parle avec la petite sœur. Elle se nomme Nelly, comme je trouve cela joli et original !
Elle ne ressemble pas à son frère, elle a les yeux bleus et les cheveux blonds alors que lui est brun et des yeux marrons.
Ils sont beaux tous les deux. Elle est gentille et souriante. J'ai envie d'être son amie.
Puisqu’il m'a vue parler à sa petite sœur, après les échanges de regards, nous commençons à nous dire bonjour tous les matins. Juste bonjour. Impossible d’en dire plus. Nous sommes autant pétrifiés l’un que l’autre.
Cela se renouvelle quotidiennement pendant toute une année.
Il est mon soleil du matin. Ma raison de me lever tôt. La cause de ma bonne humeur quotidienne. Je chante avec les oiseaux. Je suis heureuse. Le bonheur, c’est si simple !

Les grandes vacances arrivent. Je dis adieu à l’école primaire.

1968
L’année de la sixième. Les emplois du temps décalés. La sensation de liberté. A vélo avec ma camarade, pour aller au collège, ce n’est jamais en ligne droite. Nous rions de tout. Nous nous arrêtons souvent. Nous délirons un peu. C’est pour mieux se concentrer pendant les cours. Trente minutes pour deux kilomètres, à vélo, c’est notre temps habituel !!!

Le jour de la rentrée, il est là, au coin de la rue, à côté du passage à niveau.
Il est accompagné d’un copain, le seul que je lui connaisse. Tous les deux à vélo.
Ils m’attendaient. Quand j’arrive au coin de la rue, ils commencent à avancer vers le collège.
A vélo également, je pars avec ma camarade et voisine.
Et nous prenons l’habitude de faire le chemin ensemble mais à distance.
Sans se parler mais chacun attend l’autre quand il n’est pas encore arrivé.

Nous débutons une correspondance écrite via nos petites soeurs respectives.
Et cela dure toute l’année. Les petites sœurs jouent les messagères et gardent le secret.
On se voit sur le chemin si nos emplois du temps nous le permettent.
Nous faisons la route en même temps, lui devant ou derrière mais jamais côte à côte.
Nous n’osons jamais nous parler ni même nous approcher, l’émotion nous paralyse.
Nos collèges étant séparés par une pelouse, nous nous mettons de part et d’autre du préau, séparation des filles et des garçons oblige. Nous nous inventons des rendez-vous muets, nous parlons avec les yeux, avec les petits mots griffonés mais jamais de vive voix. Nous sommes tous les deux des timides même si je montre aux camarades le contraire. Lui c’est mon secret. Personne ne le sait. Lui dans son groupe de garçons et moi dans mon groupe de filles.

Et cela dure toute l’année ainsi.
Il est mon fidèle ami secret, il est mon repère, il est mon équilibre, il est la cause de ma bonne humeur quotidienne.

Les années suivantes nous nous perdrons un peu de vue.
Les messages se font plus rares, les réponses aussi.
Nous étions trop jeunes et trop timides pour faire le premier pas.
Pourtant rien qu’avec les yeux nous avons beaucoup donné l’un à l’autre.

2008.
De nombreuses années ont passées.
Son souvenir reste intact dans ma mémoire.
La sensation de la tendresse qu'il avait dans le regard quand il s'occupait de sa petite soeur.
Le plaisir de toute l'émotion qu'il faisait passer par ses yeux parce que nos voix étaient devenus muettes.

Il m'est arrivé de temps en temps de faire un petit détour pour passer devant sa maison mais elle m’avait semblée différente et je sais maintenant pourquoi.
Aujourd’hui j’ai appris que cela faisait longtemps qu’il avait quitté ce monde.
J’ai été bouleversée de l’apprendre alors j’avais besoin d’écrire ces quelques lignes pour faire revivre ces instants précieux et irremplaçables. Celui de nos tous premiers émois partagés.
Savoir que son passage sur la terre n'a pas été inutile.
Dans cette vie brève, il a fait quelque chose de très important : il a distribué beaucoup d'amour autour de lui.
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http://tiponya2.blogspot.com/
 
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